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« Il prit le pain, le bénit, le rompit et le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent. »

12 avril 2023

L’icône des disciples d’Emmaüs aide bien…l’Église [à être] particulièrement attentive à vivre le mystère de la Sainte Eucharistie. Sur la route de nos interrogations et de nos inquiétudes, parfois de nos cuisantes déceptions, le divin Voyageur continue à se faire notre compagnon pour nous introduire, en interprétant les Écritures, à la compréhension des mystères de Dieu. Quand la rencontre devient totale, à la lumière de la parole succède la lumière qui jaillit du « Pain de vie » (Jn 6,35), par lequel le Christ réalise de la manière la plus haute sa promesse d’être avec nous « tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20)…

Le récit de l’apparition de Jésus ressuscité aux deux disciples d’Emmaüs nous aide à relever un premier aspect du mystère eucharistique qui doit toujours être présent dans la dévotion du Peuple de Dieu : l’eucharistie mystère lumineux !… Jésus s’est qualifié lui-même de « lumière du monde » (Jn 8,12), et cette caractéristique est bien mise en évidence par des moments de sa vie tels que la Transfiguration et la Résurrection, où sa gloire divine resplendit clairement. Dans l’eucharistie, au contraire, la gloire du Christ est voilée. Le sacrement de l’eucharistie est le « mysterium fidei » par excellence. C’est donc précisément à travers le mystère de son enfouissement total que le Christ se fait mystère lumineux, grâce auquel le croyant est introduit dans la profondeur de la vie divine…

L’eucharistie est lumière avant tout parce que, à chaque messe, la liturgie de la Parole de Dieu précède la liturgie eucharistique, dans l’unité des deux « tables », celle de la Parole et celle du Pain… Dans le récit des disciples d’Emmaüs, le Christ lui-même intervient pour montrer, « partant de Moïse et de tous les prophètes », que « toute l’Écriture » conduit au mystère de sa personne. Ses paroles font brûler le cœur des disciples, les soustraient à l’obscurité de la tristesse et du désespoir, et suscitent en eux le désir de demeurer avec lui : « Reste avec nous, Seigneur ».

Saint Jean-Paul II (1920-2005)

 

 

Consolation et joie dans le Seigneur

11 avril 2023

Comme on lisait dans l’évangile à propos de la bienheureuse Marie-Madeleine : « Elle se pencha, regarda dans le tombeau et vit deux anges », etc., Gertrude dit au Seigneur : « Où est, Seigneur, ce tombeau où il me faut regarder afin de trouver la consolation et la joie ? » Alors le Seigneur lui montra la plaie de son côté. Et comme elle se penchait à l’intérieur, en place des deux anges, elle perçut deux paroles dont la première était : « Tu ne pourras jamais être séparée de ma communion. » Et l’autre : « Toute tes œuvres me plaisent de manière absolument parfaite. »

De cela elle fut stupéfaite et, pleine de doutes, se demandait comment cela pourrait bien se faire : elle était en effet en tous points si imparfaite que l’ensemble de ses œuvres n’eussent pu plaire à aucun homme au monde, à cause des défauts cachés qu’elle y découvrait quelquefois. Dès lors, comment eussent-elles pu plaire à cette connaissance infiniment lumineuse qui trouve, pour ainsi dire, mille défauts là où, pour l’homme aveuglé c’est à peine s’il en est un seul.

Le Seigneur lui répondit : « Supposons que tu tiennes en main un objet. Tu peux facilement l’améliorer pour peu que tu veuilles bien, et tu as ainsi la faculté de le rendre agréable à tous. Comment négligerais-tu de le faire ? Il en va de même pour moi : du fait que tu as l’habitude de me confier très souvent tes œuvres, je les tiens, peut-on dire, en ma main, et, comme ma toute-puissance m’en donne le pouvoir, et mon inscrutable sagesse, la capacité, je prends plaisir dans ma bonté à améliorer toutes tes œuvres, de telle sorte que je peux à juste titre, m’y complaire, moi et tous les habitants du ciel. »

Sainte Gertrude d’Helfta (1256-1301)

 

 

 

Le lundi de Pâques

10 avril 2023

« Réjouis-toi, Jérusalem, réunissez-vous, vous tous qui aimez » (Is 66, 10) Jésus, car il est ressuscité. Réjouissez-vous, vous tous qui avez été naguère dans la peine, (…) car celui qui a subi la violence, à son tour, il est ressuscité. De même que le rappel de la croix attristait notre assemblée, qu’ainsi la bonne nouvelle de la résurrection soit sa joie. Que la tristesse se change en joie, les lamentations en allégresse et que joie et allégresse remplissent notre bouche, en l’honneur de celui qui après sa résurrection a dit : « Réjouissez-vous ! » (Mt 28,9).

Je sais en effet quel était dans les jours écoulés, le chagrin des amis du Christ, quand nous ne disions plus rien de sa mort ni de son ensevelissement, et que nous n’avions pas proclamé la bonne nouvelle de sa résurrection : votre esprit en suspens guettait la nouvelle désirée. Il est donc ressuscité, le mort, celui qui est « libre entre les morts » (Ps 87,6) et libérateur des morts, l’homme qui sans se plaindre avait ceint la déshonorante couronne d’épines, cet homme, ressuscité, a ceint le diadème de la victoire sur la mort.

Eh bien ! de même que nous avons produit les témoignages qui concernent sa croix, de même maintenant, établissons aussi par ses preuves la résurrection : l’Apôtre est là pour nous affirmer en effet : « Il a été enseveli, et il est ressuscité le troisième jour selon les Ecritures » (1Co 15,4).

Saint Cyrille de Jérusalem (313-350)

 

 

« Voici le jour que le Seigneur a fait. » (Ps 117,24)

9 avril 2023

Laissons éclater notre joie, mes frères, aujourd’hui comme hier. Si les ombres de la nuit ont interrompu nos réjouissances, le jour saint n’est pas achevé…: la clarté que répand la joie du Seigneur est éternelle. Le Christ nous illuminait hier ; aujourd’hui encore resplendit sa lumière. « Jésus Christ est le même hier et aujourd’hui » dit le bienheureux apôtre Paul (He 13,8). Oui, pour nous le Christ s’est fait le jour. Pour nous, il est né aujourd’hui, comme l’annonce Dieu son Père par la voix de David : « Tu es mon fils ; aujourd’hui je t’ai engendré » (Ps 2,7). Qu’est-ce à dire ? Qu’il n’a pas engendré son fils un jour, mais qu’il l’a engendré jour et lumière lui-même…

Oui, le Christ est notre aujourd’hui : splendeur vivante et sans déclin, il ne cesse d’embraser le monde qu’il porte (He 1,3) et ce flamboiement éternel semble n’être qu’un jour. « Mille ans sont à tes yeux comme un seul jour » s’écrie le prophète (Ps 89,4). Oui, le Christ est ce jour unique, parce que unique est l’éternité de Dieu. Il est notre aujourd’hui : le passé, enfui, ne lui échappe pas ; l’avenir, inconnu, n’a pas de secrets pour lui. Lumière souveraine, il étreint tout, il connaît tout, à tous les temps il est présent et il les possède tous. Devant lui, le passé ne peut pas s’effondrer, ni l’avenir se dérober… Cet aujourd’hui n’est pas le temps où selon la chair il est né de la Vierge Marie, ni celui où selon la divinité, il sort de la bouche de Dieu son Père, mais le temps où il est ressuscité d’entre les morts : « Il a ressuscité Jésus, dit l’apôtre Paul ; ainsi est-il écrit au psaume deuxième : ‘ Tu es mon fils ; aujourd’hui je t’ai engendré ‘ » (Ac 13,33).

Vraiment, il est notre aujourd’hui, quand, jailli de la nuit épaisse des enfers, il embrase les hommes. Vraiment, il est notre jour, celui que les noirs complots de ses ennemis n’ont pas pu obscurcir. Nul jour mieux que ce jour n’a su accueillir la lumière : à tous les morts, il a rendu et le jour et la vie. La vieillesse avait étendu les hommes dans la mort ; il les a relevés dans la vigueur de son aujourd’hui.

Saint Maxime de Turin (?-v. 420)

 

 

 

Le samedi saint (Veillée Pascale)

8 avril 2023

Toutes les veillées que l’on célèbre en l’honneur du Seigneur sont agréables à Dieu et agréées de lui, mais cette veille-ci est au-dessus de toutes les autres. C’est pourquoi cette nuit porte tout particulièrement le titre de « veillée du Seigneur ». Nous lisons en effet : « C’est la veillée du Seigneur, que tous les fils d’Israël doivent observer » (Ex 12,42). Cette nuit porte bien son titre parce que le Seigneur s’est éveillé vivant afin que nous ne restions pas endormis dans la mort. En effet, il a souffert pour nous le sommeil de la mort par le mystère de sa Passion ; mais ce sommeil du Seigneur est devenu la veillée du monde entier, parce que la mort du Christ a chassé loin de nous le sommeil de la mort éternelle. Il le déclare lui-même par le prophète : « J’ai dormi et je me suis réveillé, et mon sommeil a été doux » (Ps 3,6; Jr 31,26). Ce sommeil du Christ, qui nous a rappelés de l’amertume de la mort à la douceur de la vie, n’a pu être que doux.

Salomon a écrit : « Je dors, mais mon cœur veille » (Ct 5,2). Ces paroles manifestent, de toute évidence, le mystère de la divinité et de la chair du Seigneur. Il a dormi selon la chair, mais sa divinité veillait, car la divinité ne pouvait pas dormir…: « Il ne dort ni ne sommeille celui qui garde Israël » (Ps 120,4)… Il a dormi selon la chair, mais sa divinité visitait les enfers pour en tirer l’homme qui y était retenu captif ; notre Seigneur et Sauveur a voulu visiter tous les lieux pour faire miséricorde à tous. Il est descendu du ciel sur la terre pour visiter le monde ; il est descendu encore de la terre aux enfers pour porter la lumière à ceux qui y étaient captifs, selon la parole du prophète : « Vous qui êtes assis dans les ténèbres et l’ombre de la mort, la lumière s’est levée sur vous » (Is 9,1).

C’est pourquoi, les anges dans le ciel, les hommes sur la terre, et les âmes des fidèles dans le séjour des morts célèbrent cette veillée du Seigneur… Si le repentir d’un seul pécheur, comme on le lit dans l’Évangile, est cause de joie pour les anges dans le ciel (Lc 15,7.10), combien plus la rédemption du monde entier ?… Cette veillée, donc, n’est pas seulement une fête pour les hommes et les anges, mais aussi pour le Père, le Fils et le Saint Esprit, parce que le salut du monde c’est la joie de la Trinité.

Saint Chromace d’Aquilée (?-407)

 

 

 

« Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » (Jn 15,13)

7 avril 2023

L’amour de Dieu pour nous est bien plus grand celui d’un père. C’est ce que prouvent ces paroles du Sauveur dans l’Évangile : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique pour la vie du monde » (Jn 3,16). Et l’apôtre Paul dit aussi : « Dieu n’a pas épargné son Fils, mais l’a livré pour nous tous. Comment ne nous a-t-il pas donné, avec lui, toutes choses ? » (Rm 8,32) C’est pourquoi Dieu nous aime plus qu’un père n’aime son fils. C’est une chose évidente que Dieu nous chérit au-delà de l’affection paternelle, lui qui, pour nous, n’a pas épargné son Fils –- et quel Fils ! Ce Fils juste, ce Fils unique, ce Fils qui est Dieu. Peut-on dire davantage ? Oui ! C’est pour nous, c’est-à-dire pour des méchants, pour des coupables, qu’il ne l’a pas épargné…

C’est pourquoi l’apôtre Paul, pour nous signifier, dans une certaine mesure, l’immensité de la miséricorde de Dieu, s’exprime ainsi : « Alors que nous n’étions encore capables de rien, le Christ, au temps fixé par Dieu, est mort pour les coupables — à peine accepterions-nous de mourir pour un homme juste » (Rm 5,6-7). A coup sûr, par ce seul passage il nous montre l’amour de Dieu. Car si c’est à peine que l’on mourrait pour quelqu’un de très juste, le Christ nous a prouvé comme il était meilleur, en mourant pour les coupables que nous sommes. Mais pourquoi le Seigneur a-t-il agi ainsi ? L’apôtre Paul nous l’enseigne aussitôt par ce qui suit : « Dieu nous prouve son amour à notre égard : car si le Christ est mort pour nous quand nous étions pécheurs, combien plus maintenant, justifiés dans son sang, serons-nous sauvés par lui de la colère ? » (v. 8-9)

La preuve qu’il en donne, c’est qu’il est mort pour les coupables : un bienfait a plus de prix quand on l’accorde à des indignes… Car s’il l’avait accordé à des saints et à des hommes de mérite, il n’aurait pas montré qu’il est celui qui donne ce qu’on ne devrait pas donner, mais il se serait montré comme celui qui ne fait que rendre ce qui est dû. Que lui rendrons-nous donc pour tout cela ?

Salvien de Marseille (v. 400-v. 480)

 

 

 

Le jeudi saint

6 avril 2023

Quel amour, quelle charité que celle de Jésus Christ, de choisir la veille du jour où on doit le faire mourir, pour instituer un sacrement par lequel il va rester au milieu de nous, pour être notre Père, notre Consolateur et tout notre bonheur ! Plus heureux encore que ceux qui vivaient pendant sa vie mortelle, où il n’était que dans un lieu, où il fallait se déplacer au loin pour avoir le bonheur de le voir, aujourd’hui nous le trouvons dans tous les lieux du monde, et ce bonheur m’est promis jusqu’à la fin du monde. Ô amour immense d’un Dieu pour ses créatures !

Non, rien ne peut l’arrêter, quand il s’agit de nous montrer la grandeur de son amour. Dans ce moment heureux pour nous, tout Jérusalem est en feu, toute la populace en fureur, tous conspirent sa perte, tous veulent répandre son sang adorable – et c’est précisément dans ce moment qu’il leur prépare, comme à nous, le gage le plus ineffable de son amour.

Saint Jean-Marie Vianney (1786-1859)

 

 

 

Le mercredi saint

5 avril 2023

Tu veux sans doute qu’on te démontre que le Christ est venu volontairement à la Passion ? Les autres meurent de mauvais gré, car ils meurent dans le noir, mais lui disait d’avance de sa Passion : « Voici que le Fils de l’homme est livré pour être crucifié » (Mt 26,2). Sais-tu pourquoi ce miséricordieux n’a pas fui la mort ? Pour éviter que le monde entier ne sombre dans ses péchés. « Voici que nous montons à Jérusalem et le Fils de l’homme va être livré et crucifié » (cf. Mt 20,18-19) et encore : « Il prit résolument le chemin de Jérusalem » (Lc 9,51).

Tu veux aussi savoir clairement que la croix est pour Jésus une gloire ? Écoute-le te le dire, et non pas moi. Judas, gagné par l’ingratitude envers son hôte, allait le livrer ; il venait de sortir de table et de boire la coupe de bénédiction, et en guise de merci pour cette boisson du salut, il a décidé de verser un sang innocent. Lui qui avait mangé le pain de son Maître, il l’en remerciait de façon éhontée en le faisant tomber… Puis Jésus a dit : « L’heure est venue où le Fils de l’homme va être glorifié » (Jn 12,23). Tu vois comment il sait que la croix est sa gloire ? … Non qu’auparavant il ait été sans gloire puisqu’il avait été glorifié « de la gloire qu’il avait avant la fondation du monde » (Jn 17,5). Mais comme Dieu il était glorifié éternellement, tandis que maintenant, il était glorifié pour avoir mérité la couronne par sa constance dans l’épreuve.

Il n’a pas été obligé de quitter la vie, il n’a pas été immolé de force, il avance librement. Écoute ce qu’il dit : « J’ai le pouvoir de laisser ma vie et j’ai le pouvoir de la reprendre (Jn 10,18) ; c’est de mon plein gré que je cède à mes ennemis, car si je ne voulais pas, rien n’arriverait ». Il est venu donc par choix à la Passion, joyeux de son exploit, souriant à la couronne, heureux de sauver l’humanité.

Saint Cyrille de Jérusalem (313-350)

 

 

 

Le mardi saint

4 avril 2023

Judas avait exprimé son repentir : « J’ai péché en livrant un sang innocent » (Mt 27,4). Mais le démon, qui avait entendu ces paroles, a compris que Judas était sur la bonne voie et cette transformation l’a effrayé. Puis il a médité : « Son maître est bienveillant, pensait-il ; au moment où il allait être trahi par lui, il a pleuré sur son sort et l’a adjuré de mille façons ; il serait étonnant qu’il ne le reçoive pas au moment où il se repent de toute son âme, qu’il renonce à l’attirer à lui s’il se relève et reconnaît ainsi sa faute. N’est-ce pas pour cela qu’il a été crucifié ? » Après ces réflexions, il a jeté un trouble profond dans l’esprit de Judas ; il a fait monter en lui un immense désespoir, propre à le déconcerter, l’a harcelé jusqu’à ce qu’il parvienne à le pousser au suicide, à lui ravir la vie après l’avoir dépouillé de ses sentiments de repentir.

Il ne fait aucun doute que s’il avait encore vécu, il aurait été sauvé : il n’y a qu’à prendre l’exemple des bourreaux. En effet, si le Christ a sauvé ceux qui l’ont crucifié, si, même sur la croix, il priait encore le Père et intercédait auprès de lui pour le pardon de leur faute (Lc 23,34), comment n’aurait-il pas accueilli le traître avec une bienveillance totale, pourvu qu’il ait prouvé la sincérité de sa conversion ? (…) Pierre s’est rétracté trois fois après avoir participé à la communion des mystères saints ; ses larmes l’ont absous (Mt 26,75; Jn 21,15s). Paul, le persécuteur, le blasphémateur, le présomptueux, Paul qui a persécuté non seulement le Crucifié mais aussi tous ses disciples, est devenu apôtre après s’être converti. Dieu ne nous demande qu’une pénitence légère pour nous consentir la remise de nos péchés.

Saint Jean Chrysostome (v. 345-407)

 

 

 

Le lundi saint

3 avril 2023

Un mélange savant et harmonieux d’aromates nombreux et divers qui ont chacun leur odeur particulière constitue une essence parfumée dont la composition prend le nom de nard, nom que l’on tire d’une des herbes odorantes qui entrent dans sa préparation ; l’odeur répandue par l’union de tous ces aromates particuliers est perçue par la sensibilité purifiée comme la bonne odeur même de l’Époux. (…)

Et si le nard de l’Évangile a quelque parenté avec le parfum de l’Épouse [du Cantique des Cantiques], on peut, si on le désire, déduire de ce que nous avons écrit quel était ce « vrai nard, très coûteux » (Jn 12,3), qui fut versé sur la tête du Seigneur et emplit toute la maison de sa bonne odeur. Peut-être en effet ce parfum n’est-il pas étranger à celui qui donne à l’Épouse l’odeur de l’Époux. Dans l’Évangile, il est versé sur le Seigneur et emplit de la bonne odeur la maison dans laquelle avait lieu le repas. Ici aussi, me semble-t-il, la femme avait par ce parfum signifié à l’avance, par quelque inspiration prophétique, le mystère de la mort du Seigneur, comme en témoigne celui-ci, quand il dit : « Elle a pourvu à l’avance à mon ensevelissement. » Et il nous enseigne que la maison remplie de la bonne odeur signifie le monde entier et toute la terre, quand il dit que « partout où sera proclamée cette bonne nouvelle dans le monde entier, l’odeur du parfum sera répandue avec l’annonce de l’Évangile » et que « l’Évangile gardera sa mémoire » (cf. Mt 26, 12 ; Mc 14,8).

De même que dans le Cantique des Cantiques le nard donne à l’Épouse l’odeur de l’Époux, de même dans l’Évangile la bonne odeur du Christ se communique à tout le corps de l’Église, sur toute la terre et dans le monde entier, elle qui alors avait rempli la maison.

Saint Grégoire de Nysse (v. 335-395)