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Archive pour le mot-clef ‘St François de Sales’

Le Seigneur sait ce qu’Il fait : faisons ce qu’Il veut !

dimanche 9 juin 2024

Il faut considérer qu’il n’y a nulle vocation qui n’ait ses ennuis, ses amertumes et aversions, et, qui plus est – si ce n’est ceux qui sont pleinement résignés en la volonté de Dieu ‒, chacun voudrait volontiers échanger sa condition pour celle des autres : ceux qui sont évêques voudraient ne l’être pas ; ceux qui sont mariés voudraient ne l’être pas, et ceux qui ne le sont le voudraient être.

D’où vient cette générale inquiétude des esprits, sinon d’un certain déplaisir que nous avons à la contrainte, et une malignité d’esprit qui nous fait penser que chacun est mieux que nous ? Mais c’est tout un : quiconque n’est pleinement résigné, qu’il tourne deça et delà, il n’aura jamais repos. Ceux qui ont la fièvre ne trouvent nulle place bonne, ils n’ont pas demeuré un quart d’heure en un lit qu’ils voudraient être en un autre ; ce n’est pas la faute du lit, mais c’est la fièvre qui les tourmente partout. Une personne qui n’a pas la fièvre de sa propre volonté se contente de tout ; pourvu que Dieu soit servi, elle ne se soucie pas en quelle qualité Dieu l’emploie : pourvu qu’elle fasse la volonté divine, cela lui est égal. Mais ce n’est pas tout. Il faut non seulement vouloir faire la volonté de Dieu, mais pour être dévot, il la faut faire gaiement. (…)

Je voudrais bien ceci et cela ; je serais mieux ici et là : ce sont des tentations. Notre Seigneur sait bien ce qu’il fait : faisons ce qu’il veut, demeurons où il nous a mis.

Saint François de Sales (1567-1622)

 

 

 

Désert spirituel

vendredi 10 juin 2022

Cette épreuve consiste à ne plus s’attacher aux sensations de la prière, et faire l’effort d’aimer le Christ par sa volonté en toute circonstance.

Il peut arriver plusieurs fois dans la vie d’un chrétien que la prière devienne difficile voire qu’elle lui semble inutile. Il n’y a plus d’expérience de joie ou de paix, et prier devient presque un fardeau. Dans ce cas, à quoi bon prier ? Le grand François de Sales reconnaît la difficulté de cette situation. Afin de venir en aide à sa contemporaine Jeanne de Chantal, qui ressentait grandement ce vide intérieur, il lui fit parvenir les mots suivants.
C’est le haut point de la sainte religion de se contenter des actes nus, secs et insensibles, exercés par la seule volonté supérieure, comme ce serait le supérieur degré de l’abstinence de se contenter de ne manger jamais, sinon avec dégoût, à contrecoeur, et non-seulement sans goût ni saveur.
Vous m’avez fort bien exprimé votre souffrance, et n’avez rien à faire pour remède que ce que vous faites, protestant à notre Seigneur, en paroles même vocales, et quelquefois encore chantant, que vous voulez même vivre de la mort, et manger comme si vous étiez morte, sans goût, sans sentiment et connaissance.
Ce conseil n’est pas particulièrement réconfortant au premier abord. Mais il est honnête, affirmant qu’une telle épreuve doit être endurée par la volonté et l’effort tout en gardant confiance dans la grâce de Dieu. François de Sales encourage Jeanne de Chantal à offrir sa souffrance à Dieu.
Enfin ce Sauveur veut que nous soyons si parfaitement siens, que rien ne nous reste, pour nous abandonner entièrement à la merci de sa providence, sans réserve.
Si quelqu’un traverse un désert spirituel, la solution n’est surtout pas d’abandonner. Cette épreuve consiste à ne plus s’attacher aux sensations de la prière, et faire l’effort d’aimer le Christ par sa volonté en toute circonstance. Jésus paraîtra encore plus proche si l’on y parvient. C’est ainsi que les saints traversaient leur désert, en aimant Dieu malgré le manque de joie et de paix dans la prière.

Philip Kosloski journaliste
Conseils de saint François de Sales à sainte Jeanne de Chantal
aleteia.org

 

 

 

« Il est bon d’être ici. »

dimanche 13 mars 2022

Les Apôtres virent donc alors la face du Seigneur plus reluisante et éclatante que le soleil, et cette clarté, cette gloire, s’épancha jusque sur ses vêtements pour nous montrer qu’il n’en était pas si chiche qu’il n’en fit part à ses habits mêmes et à ce qui était autour de lui. Il nous fit voir un petit échantillon du bonheur éternel et une goutte de cet océan et de cette mer d’incomparable félicité pour nous la faire désirer tout entière ; si bien que le bon Saint Pierre, qui parlait pour tous, comme devant être leur chef, s’écria tout ému de joie et de consolation : « Ô qu’il est bon d’être ici », j’ai vu, voulait-il dire, beaucoup de choses, mais il n’y a rien de si désirable que d’être en ce lieu.

Les trois disciples virent encore Moïse et Élie qu’ils n’avaient jamais vus et qu’ils reconnurent cependant très bien (…). Tous deux s’entretenaient avec notre divin Maître de son départ qui devait arriver en Jérusalem (Lc 9,31), départ qui n’est autre que la mort qu’il devait souffrir par amour ; puis soudain, après cet entretien, les Apôtres entendirent la voix du Père éternel disant : « C’est ici mon Fils bien aimé, écoutez-le. »

Je remarque premièrement qu’en la félicité éternelle nous nous connaîtrons tous les uns les autres, puisqu’en ce petit échantillon que le Sauveur donna à ses Apôtres il voulut qu’ils reconnussent Moïse et Élie qu’ils n’avaient jamais vus. Si cela est ainsi, ô mon Dieu, quel contentement recevrons-nous en voyant ceux que nous avons si chèrement aimés en cette vie ! (…) Les amitiés qui auront été bonnes dès cette vie se continueront éternellement en l’autre. Nous aimerons des personnes particulièrement, mais ces amitiés particulières n’engendreront point de partialités, car toutes nos affections prendront leur force de la charité de Dieu qui, les conduisant toutes, fera que nous aimerons chacun des Bienheureux de cet amour éternel dont nous aurons été aimés de la divine Majesté. (…)

Mais, en la Jérusalem céleste, de quel sujet parlerons-nous ? (…) Celui des miséricordes que le Seigneur nous a faites ici-bas, par lesquelles il nous a rendus capables d’entrer en la jouissance d’un bonheur tel que, seul, il nous suffit. Je dis seul, parce qu’en ce mot de félicité sont compris toutes sortes de biens, lesquels ne sont pourtant qu’un unique bien, qui est celui de la jouissance de Dieu en la félicité éternelle.

Saint François de Sales (1567-1622)

 

 

« Jésus aimait Marthe et sa sœur, ainsi que Lazare. » (Jn 11,5)

jeudi 29 juillet 2021

Aimez tout le monde d’un grand amour de charité, mais réservez votre amitié profonde pour ceux qui peuvent échanger avec vous des choses bonnes. (…) Si vous échangez dans le domaine des connaissances, votre amitié est certes louable ; plus encore si vous communiez dans le domaine de la prudence, de la discrétion, de la force et de la justice. Mais si votre relation est fondée sur la charité, la dévotion et la perfection chrétienne, ô Dieu, que votre amitié sera précieuse ! Elle sera excellente parce qu’elle vient de Dieu, excellente parce qu’elle tend à Dieu, excellente parce que son lien, c’est Dieu, parce qu’elle durera éternellement en Dieu. Qu’il fait bon aimer sur la terre comme on aime au ciel, apprendre à s’aimer en ce monde comme nous le ferons éternellement en l’autre !

Je ne parle pas ici de l’amour simple de charité, car il doit être porté à tous les hommes ; mais je parle de l’amitié spirituelle, par laquelle deux ou trois ou plusieurs communient dans la vie spirituelle et deviennent un seul esprit entre eux (cf Ac 4,32). C’est vraiment à bon droit que peuvent chanter de telles âmes heureuses : « Combien il est bon et agréable que les frères habitent ensemble ! » (Ps 132,1) (…) Il me semble que toutes les autres amitiés ne sont que l’ombre de celle-ci. (…) Pour des chrétiens vivant dans le monde, il leur est nécessaire de s’aider les uns les autres par de saintes amitiés ; par ce moyen ils s’encouragent, se soutiennent, se portent mutuellement vers le bien. (…) Personne ne saurait nier que notre Seigneur ait aimé d’une amitié plus douce et plus spéciale saint Jean, Lazare, Marthe et Madeleine, car l’Écriture le témoigne.

Saint François de Sales (1567-1622)

 

 

 

La pureté d’intention

mercredi 17 juin 2020

Notre Seigneur, au rapport des anciens, avait coutume de dire aux siens : « Soyez bons monnayeurs ». Si l’écu n’est pas de bon or, s’il n’a pas de poids, s’il n’est pas marqué au coin conforme, on le rejette comme non recevable. Une œuvre de bonne espèce, si elle n’est pas ornée de charité, si l’intention n’est pas pieuse, elle ne sera pas reçue parmi les bonnes œuvres. Si je jeûne, mais pour épargner, mon jeûne n’est pas de bonne espèce ; si c’est par tempérance, mais que j’aie quelque péché mortel en mon âme, le poids manque à cette œuvre, car c’est la charité qui donne le poids à tout ce que nous faisons ; si c’est seulement par convenance et pour m’accommoder à mes compagnons, cette œuvre n’est pas marquée au coin d’une intention approuvée. Mais si je jeûne par tempérance, et que je sois en la grâce de Dieu, et que j’aie l’intention de plaire à sa divine majesté par cette tempérance, l’œuvre sera une bonne monnaie, propre pour accroître en moi le trésor de la charité.

C’est faire excellemment les actions petites, que de les faire avec beaucoup de pureté d’intention et une forte volonté de plaire à Dieu ; et alors, elles nous sanctifient grandement. Il y a des personnes qui mangent beaucoup, et sont toujours maigres, exténuées et alanguies, parce qu’elles n’ont pas une bonne force digestive; il y en a d’autres qui mangent peu, et sont toujours fortes et vigoureuses, parce qu’elles ont l’estomac bon. Aussi y a-t-il des âmes qui font beaucoup de bonnes œuvres, et croissent fort peu en charité, parce qu’elles les font ou froidement et lâchement, ou par instinct et inclination de nature, plus que par inspiration de Dieu ou ferveur céleste ; et au contraire, il y en a qui font peu de besogne, mais avec une volonté et intention si sainte, qu’elles font un progrès extrême en dilection : elles ont peu de talent, mais elles le ménagent si fidèlement que le Seigneur les en récompense largement

Saint François de Sales (1567-1622)

 

 

 

 

Le renoncement à soi-même

jeudi 27 février 2020

L’amour que nous avons pour nous-mêmes (…) est affectif et effectif. L’amour effectif est celui qui gouverne les grands, ambitieux d’honneurs et de richesses, qui se procurent tant de biens et qui ne se rassasient jamais d’en acquérir : ceux-là, dis-je, s’aiment grandement de cet amour effectif. Mais il y en a d’autres qui s’aiment davantage de l’amour affectif : ceux-ci sont grandement tendres avec eux-mêmes, et ne font jamais autre chose que de se dorloter, soigner et réconforter : ils craignent tant tout ce qui pourrait leur nuire que c’est grande pitié. (…)

Cette tendreté est plus insupportable encore aux choses de l’esprit qu’aux choses corporelles ; surtout si elle est par malheur pratiquée ou entretenue par les personnes les plus spirituelles, lesquelles voudraient être saintes du premier coup, sans qu’il leur en coutât rien, pas même les combats que leur cause la partie inférieure de l’âme par ses répugnances envers les choses contraires à la nature. (…)

Répugner à nos répugnances, faire taire nos préférences, mortifier nos affections, mortifier le jugement et renoncer à la volonté propre est une chose que l’amour effectif et tendre que nous nous portons à nous-mêmes ne peut se permettre sans crier : oh, que cela nous coûte ! Et ainsi nous ne faisons rien. (…)

Il vaut mieux porter une petite croix de paille que l’on m’a mise sur les épaules sans mon choix, qu’aller en couper une bien plus grande dans du bois avec beaucoup de travail, et la porter ensuite avec une grande peine. Et je serai plus agréable à Dieu avec la croix de paille qu’avec celle que je me serais fabriquée avec plus de peine et de sueur, et que je porterais avec plus de satisfaction, à cause de l’amour propre qui se plaît tant à ses inventions, et si peu à se laisser simplement conduire et gouverner.

Saint François de Sales (1567-1622)

 

 

 

Fête de sainte Marie-Madeleine, disciple du Seigneur

lundi 22 juillet 2019

Celui qui aime vraiment n’a presque point de plaisir sinon en la chose aimée. Ainsi « toutes choses semblaient ordures » et boue au glorieux saint Paul, en comparaison de son Sauveur (Ph 3,8). Et l’Épouse [du Cantique des cantiques] n’est toute que pour son bien-aimé : « Mon cher ami est tout à moi, et moi je suis tout à lui. (…) Avez-vous vu celui que mon âme aime ? » (2,16; 3,3). (…)

La glorieuse amante Magdeleine rencontra les anges au sépulcre, qui lui parlèrent sans doute angéliquement, c’est-à-dire bien suavement, voulant apaiser le tourment dans lequel elle était. Mais au contraire, tout éplorée, elle ne sut prendre aucune complaisance ni en leur douce parole, ni en la splendeur de leurs habits, ni en la grâce toute céleste de leur maintien, ni en la beauté tout aimable de leurs visages. Mais, toute couverte de larmes, elle disait : « Ils ont enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas où ils me l’ont mis. » Et se retournant, elle voit son doux Sauveur, mais en forme de jardinier, dont son cœur ne peut se contenter. Car toute pleine de la mort de son Maître, elle ne veut point de fleurs, ni par conséquent de jardinier. Elle a dans son cœur la croix, les clous, les épines ; elle cherche son Crucifié. « Mon cher maître jardinier, dit-elle, si vous aviez peut-être planté mon bien-aimé Seigneur trépassé, comme un lys froissé et fané, entre vos fleurs, dites-le moi vite, et je l’emporterai. »

Mais dès qu’il l’appelle par son nom, toute fondue en plaisir, elle dit : « Dieu, mon Maître ! » (…) Pour mieux magnifier ce souverain Bien-aimé, l’âme va « toujours cherchant sa face » (Ps 104,4), c’est-à-dire, avec une attention toujours plus soigneuse et ardente, elle cherche à remarquer toutes les particularités des beautés et perfections qui sont en lui, faisant un progrès continuel en cette douce recherche des motifs qui puissent perpétuellement la presser de se plaire de plus en plus en l’incompréhensible Beauté qu’elle aime.

Saint François de Sales (1567-1622)

 

 

« Vos pères ont mangé la manne et il sont morts ; mais le pain du ciel, celui qui en mange ne mourra pas. »

jeudi 9 mai 2019

La manne était savourée de quiconque la mangeait, mais différemment néanmoins, selon la diversité des appétits de ceux qui la prenaient, et ne fut jamais savourée totalement, car elle avait plus de différentes saveurs qu’il n’y avait de variété de goûts chez les Israélites (Sg 16,20-21). Nous verrons et savourerons là-haut au ciel toute la Divinité, mais jamais nul des bienheureux ni tous ensemble ne la verront ou savoureront totalement…

Ainsi les poissons jouissent de la grandeur incroyable de l’océan, et jamais pourtant aucun poisson, ni même toute la multitude des poissons, n’a vu toutes les plages ni n’a trempé ses écailles en toutes les eaux de la mer ; et les oiseaux s’égayent à leur gré dans la vasteté de l’air, mais jamais aucun oiseau, ni même toute la race des oiseaux ensemble, n’a battu des ailes toutes les contrées de l’air et n’est jamais parvenu à la suprême région de celui-ci. Nos esprits, à leur gré et selon toute l’étendue de leurs souhaits, nageront en l’océan et voleront en l’air de la Divinité, et se réjouiront éternellement de voir que cet air est tant infini, cet océan si vaste, qu’il ne peut être mesuré par leurs ailes, et que jouissant sans réserve ni exception quelconque de tout cet abîme infini de la Divinité, ils ne peuvent néanmoins jamais égaler leur jouissance à cette infinité, laquelle demeure toujours infiniment infinie au-dessus de leur capacité.

Saint François de Sales (1567-1622)

 

 

 

Dimanche de la miséricorde

dimanche 28 avril 2019

Seigneur Jésus Christ, faites encore que de nous ne soit fait « qu’un cœur et qu’une âme » (Ac 4,32), car alors il y aura « une grande tranquillité » (Mc 4,39). Mes chers auditeurs, je vous exhorte à l’amitié et à la bienveillance entre vous, et à la paix entre tous ; car si nous avions la charité entre nous, nous aurions la paix et nous aurions le Saint-Esprit. Il faut se rendre dévot et prier Dieu…, car les apôtres étaient persévérants dans la prière… Si nous nous mettons à faire des prières ferventes, le Saint-Esprit viendra en nous et dira : « La paix soit avec vous ! C’est moi ; n’ayez pas peur » (cf Mc 6,50)… Que devons-nous demander à Dieu, mes frères ? Tout ce qui est pour son honneur et le salut de vos âmes, et en un mot l’assistance du Saint-Esprit : « Envoie ton Esprit et tout sera créé » (Ps 103,30) — la paix et la tranquillité…

Il faut demander cette paix, afin que l’Esprit de paix vienne sur nous. Il nous faut aussi rendre grâces à Dieu de tous ses bienfaits, si nous voulons qu’il nous donne des victoires qui sont commencement de paix ; et pour obtenir le Saint-Esprit, il faut remercier Dieu le Père de ce qu’il l’a envoyé d’abord sur notre chef Jésus Christ, notre Seigneur, son Fils…— car « nous recevons tout de sa plénitude » (cf Jn 1,16) — et de ce qu’il l’a envoyé sur ses apôtres pour nous le communiquer par leurs mains. Il nous faut remercier le Fils : en tant que Dieu, il envoie l’Esprit sur ceux qui s’y disposent. Mais surtout, il faut le remercier de ce qu’en tant qu’homme il nous a mérité la grâce de recevoir ce divin Esprit…

Comment Jésus Christ a-t-il mérité la venue du Saint-Esprit ? Lorsque « en inclinant la tête il remit l’esprit » (Jn -19,30) ; car en donnant son dernier soupir et son esprit au Père, il mérita que le Père envoie son Esprit sur son corps mystique.

Saint François de Sales (1567-1622)